Page:Londres - Au bagne.djvu/227

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tombereau, un sur la civière, trois morts, ça fait le compte, dit un principal.

— Marche !

Le bataillon enfile le boulevard Malouet.

Ils vont au camp de Saint-Laurent, tout à côté. Certains essayent de découvrir le pays, mais le trajet est court. Voici déjà, surmontée de deux clés, armes symboliques de Guyane, la porte de fer.

Il est six heures, les anciens sont rentrés. Accrochés comme des singes aux barreaux des locaux, ils regardent l’arrivage. Autant de pigeons, pensent-ils, à plumer demain.

— Soixante-cinq par case, dit le principal. Grouillons !

En un tournemain, les 663 « de bord » sont enfournés. Je regarde : plus rien. Je me tourne vers un chef :

— Rien dans les mains, rien dans les poches, fait-il, vous pouvez voir.

Ce que je vois, c’est que l’on a tout mis ensemble, sans triage : les mauvais, les pourris, les égarés, les primaires et les récidivistes, ce qui est perdu et ce qui pourrait être sauvé, les jeunes et les vieux, le vice et… j’allais dire l’innocence, et je me comprends. Ce n’est même pas le marché de la Villette. On ne les a ni pesés ni tâtés. Allez ! grouillons ! Poussez ! contaminez-vous, pourrissez-vous, dégradez-vous, mais ne nous em…bêtez pas !

— C’est le moment des tristes réflexions, me dit