Page:Londres - Au bagne.djvu/27

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— C’est un ancien curé, dit l’amiral.

On arrivait. J’ai pu voir bien des ports misérables au cours d’une vie dévergondée, mais Cayenne passa du coup en tête de ma collection. Ni quai, ni rien, et si vous n’aviez les mains des forçats pour vous tirer de la barque au bon moment, vous pourriez toujours essayer de mettre pied sur la terre ferme ! Il paraît que nous n’avons pas encore eu le temps de travailler, depuis soixante ans que le bagne est en Guyane ! Et puis, il y a le climat… Et puis, la maladie, et puis, la politique… et puis, tout le monde s’en f…t…

Cinquante Guyanais et Guyanaises, en un tas noir et multicolore (noir pour peau, multicolore pour les oripeaux), au bout d’une large route en pente, première chose qu’on voit de Cayenne, étaient massés là pour contempler au loin le courrier qui, tous les trente jours, lentement, leur vient de France.

Et ce fut le surveillant. Je reconnus que c’était lui à la bande bleue de sa casquette. Ou bien il avait perdu son rasoir depuis trois semaines, ou bien il venait d’écorcher un hérisson et de s’en coller la peau sur les joues. Il n’avait rien de rassurant. On ne devrait pas confier un gros revolver à des gens de cette tenue. Mes forçats avaient meilleure mine. Mais c’était le surveillant et je lui dis : Bonsoir !

— B’soir ! fit le hérisson.