Page:Londres - Au bagne.djvu/45

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Au fond, un abruti répétait sans cesse d’une voix de basse :

— L’or ! L’or ! Ah l’or !

— Tais-toi, vieille bête, dit Bel-Ami, tu en as trouvé de l’or, toi ?

— Oui, oui, au placer « Enfin ! »

— Mange ta fressure et tais-toi. Nous avons à parler de choses sérieuses.

Et se tournant vers moi, d’un air entendu :

— Ne faites pas attention, il est maboul.

— M’sieur ! dit un homme au masque dur, si on a mérité vingt ans, qu’on nous mette vingt ans ; mais quand c’est fini, que ce soit fini. J’ai été condamné à dix ans, je les ai faits. Aujourd’hui, je suis plus misérable que sous la casaque. Ce n’est pas que je sois paresseux. J’ai fait du balata dans les bois. Je crève de fièvre. C’est Garnier qui me nourrit. Qu’on nous ramène au bagne ou qu’on nous renvoie en France. Pour un qui s’en tire, cent vont aux Bambous (au cimetière).

— C’est vrai, dit Bel-Ami, moi, j’ai réussi. J’ai plus de quinze mille francs de crédit sur la place…

À ce moment, la porte s’ouvrit sous une poussée. Un grand noir pénétra en trombe.

— René, dit-il à Bel-Ami, prête-moi cent francs.

— Voilà, mon cher, dit Bel-Ami, prenant le billet dans sa poche de poitrine, entre deux doigts.

Le nègre sortit rapidement.