Page:Londres - Au bagne.djvu/86

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plus : chiques, araignées des criques, pian-bois (plaies ulcéreuses). C’est affreux à voir…

— Et à traîner, donc ! fait une voix.

On met, pour ouvrir la route, des misérables qui ne peuvent plus marcher !

En plus de cela, un mal les mine. Ce mal s’appelle ankilostomiase. Ce sont des vers infiniment petits, qui désagrègent l’intestin. Tous les bagnards en sont atteints. Ah ! ce teint de chandelle, ce ventre concave, ces yeux agrandis !

Pour eux, la quinine étant considérée comme un bonbon on ne leur en donne que lorsqu’ils sont sages ; alors la fièvre accourt tambour battant dans ce champ de bataille. Les travaux forcés ? Oui. La maladie forcée ? Non.

J’entre dans une case. Sur cent travailleurs, quarante-huit aujourd’hui sont abattus. Sous des moustiquaires noires de crasse, mais trop petites, leurs bras dépassent, leurs pieds dépassent et la plus infernale invention de Dieu, le moustique, mène là sa danse.

Les forçats ne me voient pas passer, même ceux qui regardent. La fièvre les a emportés dans son cercle enchanté. Ils gémissent et l’on ne sait si leurs gémissements sont un chant ou une plainte. Ils tremblotent sur leur planche comme ces petits lapins mécaniques quand on presse la poire.

Ce sont les terrassiers !

Quand on veut faire une route, on s’y prend autrement.