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Page:Londres - Chez les fous, 1925.djvu/41

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CHEZ LES FOUS

L’un se suiciderait lentement au milieu de cette cour qu’aucun ne songerait à intervenir.

Ils sont des rois solitaires.

Le corps que nous leur voyons n’est qu’une doublure cachant une seconde personnalité invisible aux profanes que nous sommes, mais qui habite en eux. Quand le malade vous semble un être ordinaire, c’est que sa seconde personnalité est sortie faire un petit tour. Elle reviendra au logis. Ils l’attendent.

Si leur conversation paraît incohérente, ce n’est que pour nous ; eux se comprennent. La rapidité de leur pensée est telle qu’elle dépasse les capacités de traduction de la langue.

Ils laissent des mots en route, comme on saute deux marches d’escalier à la fois quand on est jeune et que l’on a du souffle. Les poètes, partis dans le cercle lumineux de leur inspiration, inventent des termes, les fous forgent leur vocabulaire. Les conventions séculaires, qui font qu’un même peuple s’entend parce que les individus de ce peuple accordent aux mots une signification définie, ne jouent pas pour eux. Les fous parlent en dehors des règles établies. Il n’y a pas un peuple