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Page:Londres - Chez les fous, 1925.djvu/51

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CHEZ LES FOUS

vre la machine à coudre nous coule des regards coquins. D’autres, les doigts sur leur bouche, rient à s’étouffer. Cela emplit l’ouvroir d’un bruit ne manquant pas d’analogie avec le roucoulement de tourterelles âgées. Le docteur, en passant près des malades, caresse leur joue du revers de la main.

Mais l’une d’elles rejette le drap qu’elle ourlait, vient sur moi et dit :

— Qui va deux va trois. Troyes en Champagne. À part cela, est-ce pour aujourd’hui ma sortie ?

— Pour demain répond la sœur gardienne.

Enchantée, la « qui va deux va trois » retourne à son drap. Chaque jour, depuis trois ans, elle pose la même question ; elle ne sait plus, le lendemain, qu’elle l’a posée la veille.

Le mot « sortie » a mis le feu à la baraque.

— Honte sur le docteur ! Honte sur toute sa descendance ! Honte sur son diplôme de la faculté ! Il me garde prisonnière comme une assassine. Je veux sortir, vous m’entendez ?…

Et, faisant une révérence ironique :

— Vous m’entendez, monsieur le sourd, c’est-à-dire monsieur le docteur ?