Page:Londres - Dante n’avait rien vu.djvu/81

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l’Arabe El Hadi. Il n’est pas reconnu malade. On le traîne au chantier. Là, il ne peut faire son travail, et lâche sa pioche. Alors, on le met sur le bord de la route, la tête en bas, les pieds sur un tas de cailloux et un parpaing, une large pierre plate, sur le ventre. Il reste au soleil toute la journée. Il demande à boire. À un moment, on lui apporte une gamelle, il croit que c’est de l’eau il boit. C’est du sel fondu. Le soir, on le ramène au camp dans une brouette. Je veux commencer à le soigner. Le pouls ne battait déjà plus. Une demi-heure après, il était mort ― il avait, a-t-on dit, mangé de mauvais champignons au cours de la journée !

Un colosse arabe, qui du bout de sa pioche fait voler des éclats de terre, s’arrête soudain de travailler et, coupant la parole à deux ou trois :

— Moi, Ben Hammed, matricule 807, j’ai à dire aussi sur El-Bordj. Moi, j’avais un chef, sergent B…, qui crevait ma peau de coups de cravache. « Crève, sale tronc de figuier », disait-il. Moi, travailler tout le jour et moi pas d’eau, pas manger, pas rien. Il me faisait mettre un caillou dans la main, fermer la main et