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le juif errant est arrivé

yeux en resteraient épouvantés. C’était le pays de la faim.

Le lendemain, une auto s’enfonçait dans les Marmaroches, Ben et Salomon étaient à mes côtés. De Mukacevo, nous avions gagné Batu ; de Batu, touché Hust. Maintenant, nous montions vers… vers…

— Où allons-nous, Ben ?

— D’abord, à Bouchtina.

Le pays était momifié par l’hiver. La neige étouffait tout. La route glacée craquait sous les chaînes de fer entourant nos roues. Nous vîmes d’abord un groupe de Ruthéniens, pantalon collant et boléro, tous deux de laine blanche. Ils chantaient en marchant. Leurs bonnets pointus de peau de mouton faisaient qu’ils ressemblaient à des cierges coiffés d’un éteignoir. Un peu plus loin, un dos noir, courbé, tranchant sur la neige : un Juif. Noirs et blancs, comme au jeu de dames, pour ne pas confondre les pions !

Bouchtina, premier nid. Nous avions laissé la voiture. Nous marchions vers des cabanes mal groupées. C’était un camp plutôt qu’un village. Pas un étage ; des cabanes, le toit en pente. Les Juifs surgirent. Les mains dans leurs manches, tous avaient l’air de serrer un tuyau de poêle contre