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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

ballage, où, comme dans les caravansérails hindous on y voit de tout, des tas de marchandises et des tas d’ordures, des enfants couchés sur le fumier des vaches, des familles mélangées et ennemies, des échoppes, des balances, des changeurs de monnaie, des cabinets de juristes ! Des malles en fer-blanc colorié, des chats pelés, des chiens à jeun. La porte est fermée sur le logis sans air. Là, le père, la mère, les petites sœurs que l’on oublie de faire sortir et qui ne jouent pas, dans un coin. Et la fille dont on va trafiquer et qui n’est encore qu’une jeune fille, souvent, très souvent, une vraie jeune fille.

Les « contractants » sont assis autour d’une table grasse. La famille demande cent cinquante zlotis par mois, et pendant trois ans au moins. L’acheteur n’en offre que cent. Sous le souffle de l’indignation la barbe du père frémit. Il fait approcher sa fille, il la montre une nouvelle fois. Est-elle vierge ? Il le jure sur la sainte Thora. Tant de jeunesse d’une part et tant de soins de l’autre ne vaudraient pas cent cinquante zlotis ?

L’envoyé de Buenos-Aires l’emporte. Il n’aurait que l’embarras du choix ! On appose les signatures. Et la mignonne, au nom de sa religion, est engagée solennellement à ne pas couvrir de honte, en déchirant le contrat, le paraphe familial.