Page:Londres - Les Comitadjis ou Le terrorisme dans les Balkans, 1932.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
LES COMITADJIS

chez nous, tient son collegue l’épicier. En Bulgarie, du premier au dernier citoyen, tout le monde est né démocrate. Les honneurs ne montent pas à la tête des favorisés du sort ou de l’intelligence. La simplicité est la parure des meilleurs. Aussi, des ministres, des hommes haut placés, continuent-ils de pousser, entre midi et demi et une heure, la porte du bakal. C’est vous dire qu’en arrivant devant le nôtre, rue Rakoski, plusieurs spécialistes coiffés de casquettes montaient la garde sur le trottoir.

Nous entrâmes. Des saucissons pendaient au plafond. Un jeune garçon versait l’alcool aux clients qui, visiblement, se régalaient les uns de radis et les autres d’huile de foie de morue en pilules que d’aucuns appellent caviar.

— Je pensais, dis-je, reconnaître du coup ceux qui s’attendent à tout moment à passer de vie à trépas. Or, tous mangent du meilleur appétit.

— Le meurtre, chez nous, s’est incorporé à nos mœurs.

— C’est vrai. La vie humaine est à bon compte dans votre pays. On sent tout de suite que l’on aurait moins d’étonnement, sinon de regret, à être tué ici qu’ailleurs.

— Merci ! Vous êtes digne d’être Bulgare.