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PÊCHEURS DE PERLES

Les gueux, ceux qui gagnent un demi-thaler par jour (trois francs cinquante) consacrent cinquante centimes pour leur nourriture et trois francs pour le kat. Les riches en broutent pour trente francs. Le fils du roi en achète pour huit cents francs, mais il a des courtisans. Le père de famille distribue le kat tous les matins à ses femmes, à ses enfants. Les Yéménites disent du kat que c’est la nourriture des saints. Depuis vingt ans que Malamer, ce Syrien, protégé français, vit au Yémen, il n’a connu qu’un seul homme ne se livrant pas au kat. Un seul sur deux millions. Quand par hasard, la caravane de chameaux qui, chaque jour, descend le kat est arrêtée dans son chemin, les habitants d’Hodeidah deviennent nettement enragés. Ils courent, s’appuient du front contre les murs, se couchent dans la rue, se relèvent, vomissent. En temps normal, tout ce peuple rit aux anges. Ceux qui sont assis devant leur porte ont les branches de kat à leurs pieds, ceux qui marchent les tiennent à la main. Leur bouche est tellement bourrée de feuilles que tous semblent atteints d’une fluxion et, sous la pression de la boule d’herbe, le sommet de la rotondité est blanc, comme si l’abcès allait crever. Le kat leur tient lieu de nourriture. Ils mangent une petite fois avant midi et c’est fini. Aussi sont-ils maigres. À vingt-quatre ans, le jeune homme est épuisé. Les vieillards sont