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Page:Londres - Pêcheurs de perles, 1931.djvu/127

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PÊCHEURS DE PERLES

l’après-midi, d’un bout à l’autre d’Hodeidah. Les enfants, les hommes mûrs, les vieillards, les soldats, les samboukiers, les chameliers, ceux qui portaient des étoffes fines, ceux empaquetés dans des haillons, tout être humain, soit dans les ruelles, soit devant sa boutique, soit à sa fenêtre, vivait un beau rêve intérieur. La ville entière n’était peuplée que de maniaques échappés le matin même d’un asile d’aliénés.

— N’avez-vous pas compris ? demanda Chérif Ibrahim.

— Si fait. Ils sont timbrés, mais ils n’ont pas l’air méchant.

— Ne voyez-vous pas qu’ils mâchent quelque chose ?

— Ils chiquent.

— Non. Ils emmagasinent. C’est l’expression dont ils se servent : gazen, en arabe.

Ils emmagasinaient du kat.

Le kat est une feuille verte ressemblant à la feuille de citronnelle. L’arbre qui la porte et qui pousse sur les hauts plateaux de l’Arabie heureuse est élancé presque autant qu’un peuplier. Le kat est un stupéfiant comme l’est le haschisch, comme l’est l’opium.

À midi, le travail cesse, la journée du kat commence, elle, durera jusqu’à minuit. Tout le monde mange le kat : parias, pauvres, riches, princes, roi.