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PÊCHEURS DE PERLES

langage serait sans effet. Bientôt ils me sourirent. Je leur donnai cinq cigarettes. Ils tirèrent dessus avec une satisfaction sans pareille, profondément heureux de toute l’aventure. Alors l’un me fit un signe qui voulait dire : « Lève-toi et viens ! » Jamais enfants déguisés en brigands n’avaient montré regards plus ingénus. Je me levai et les suivis. Nous nous dirigeâmes vers une cabane où brillait une lumière, à l’entrée de la mer. Trois autres brigands tout aussi bienveillants y étaient déjà. Je dus prendre place. Si j’avais pu me regarder, me serais-je reconnu dans cet homme presque nu, assis au milieu de huit fusils et de seize poignards ? Ils mangèrent des feuilles et m’en donnèrent à manger. C’était leur haschisch à eux, le kat.

Cette première réception terminée, nous sortîmes tous sur la place noire. Une bille de bois me fut désignée comme trône. L’un de mes hôtes mit un ténéké (bidon d’essence) sur ses genoux, un second tira une petite flûte d’un pli de son turban, et tout doucement, en sourdine, un air rythmé s’éleva. Les six autres formèrent trois couples, et ces couples, sans s’être joints, se mirent à danser. C’était une danse à menus pas, discrète comme un menuet. Leurs poignards ne s’entre-choquaient point. De temps en temps, joueurs et danseurs m’envoyaient un regard gracieux. Une heure passa de la sorte. Je quittai mon trône, les remer-