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TERRE D’ÉBÈNE

avez la folie de l’aristocratie. Les nègres ne portent pas au Sénégal, monsieur, ils votent.

Descendant l’échelle, il murmurait :

— Ils votent ! Ils votent ! et bientôt ils danseront la gavotte !


Adieu, Belle-Île ! Va à Buenos-Aires charger tes viandes frigorifiées. Adieu, commandant Rousselet, cher vieux loup, si c’est ici le pays du Diable, on le verra bien ! Et me voici près de la passerelle. Je m’arrête. On ne peut la franchir. Un blanc et un noir y jouent de la savate.

— Ti frappes ? dit le noir. Ah ! ti frappes ? Ici c’est pas France, c’est Sénégal, toi comprendre ? Sénégal, mon patrie, ici, chez moi, toi comprendre ?

Le nègre avait été surpris examinant d’un peu près l’intérieur d’une cabine. Le garçon l’avait reconduit plutôt avec ses pieds qu’avec ses mains.

— Ici, répond le garçon, c’est la France, et si tu remontes…, et il lui indique sa chaussure.

— Toi, si ti descends, moi conduire toi chez commissaire, toi comprendre ? Ici Sénégal, hein ? pas France !

Et il crache comme pour noyer d’un même coup le garçon, le bateau, tous les blancs et leur saint-frusquin dans une immensité de mépris.

Il fait toujours noir quand je débarque dans ce