de linge ! « Où est le savon ? » lui demandai-je. Il me montra un vieux casque déteint et délabré qu’il portait fièrement sur une chevelure naguère si parfumée. Il avait échangé la savonnette contre cette ordure. Savez-vous pourquoi ? Il faut chercher à comprendre les actions des hommes. Voici comment avait raisonné Birama. De toute façon, s’était-il dit, ce savon est perdu pour le toubab. Il va fondre dans l’eau. Or, depuis quinze jours, j’ai une folle envie de posséder un casque. Je donne le savon et j’ai le casque. Le toubab n’y perd rien et moi j’y gagne. Mais le linge ? allez-vous penser. En portait-il, lui, du linge ?
Les premiers temps, il me navrait. « Moi pas mangé ! » disait-il. Il mangeait de toute évidence. Il avait de quoi et cela se voyait. Mais sait-on jamais ? Je lui alignais un pain et un billet de cinq francs. Une semaine entière je le laissai à la maison. Je n’avais pas besoin de ses éminents services pour courir le Lobi. Je revins du Lobi. Devant ma porte se tenait un nègre, les yeux cachés derrière des lunettes noires, casqué et chaussé ; un magnifique boubou sur le corps, une canne dans une main et une flûte en bandoulière. Il me dit « Bonjou ! » Je reconnus la voix : c’était Birama. Il ressemblait à un chimpanzé de music-hall. Je commençai à bien rigoler, quand il fit :
— Moi, pas mangé !