lever leur prisonnier, dût l’univers s’y opposer !… Et pourquoi ne le tenterais-je pas, ce coup hardi ? qui m’arrête ?
Non, madame, demeurez. Que la folie que vous inspirent votre désespoir et votre amour ne vous fasse pas perdre une réputation si bien conservée jusqu’à présent. Songez d’ailleurs, madame, qu’il est impossible que les choses en soient venues au point que vous craignez. Ne vous souvenez-vous pas que le roi vous a dit au palais, et qu’il vous a répété ici même, quand vous le reconduisiez, qu’il se chargeait de veiller sur le comte ?
Tu as raison, Theodora, et tu dissipes ma crainte. L’amour que le roi a conçu pour moi soutient encore mon espoir. Tandis que je règne en son cœur, le comte est en sûreté.
Laissez-moi donc entrer… Je vous jure que je suis attendu à la maison.
Qu’est ceci ?
C’est ce vilain qui veut se jouer de nous.
Vous êtes sans doute les gardes du tyran ?
Nous sommes tous les deux ses serviteurs.
De quel office vous a-t-il chargés ici ?
D’examiner ceux qui entrent, soit ouvertement, soit en secret.
Je ne m’en serais jamais doutée. Misérables… vous êtes bien hardis d’oser faire sentinelle à ma porte, comme si j’étais la dernière des femmes. Retournez vers celui qui vous envoie, ou je vous ferai couper les pieds.
N’êtes-vous pas, madame, la maîtresse de céans ?
Oui, cette maison est la mienne.
Comment donc alors ces soldats visitent-ils ceux qui viennent, comme si votre porte était la porte d’entrée de la ville ?… Tout à l’heure ils ont mis la main dans mes sacs et dans mon sein. Pourquoi le prince se conduit-il ainsi envers vous, puisqu’il n’est pas votre mari ?