puissance du destin et comme involontairement, quelques langues étrangères[1], qui lui fournirent plus tard les moyens d’enrichir la sienne. » Mais il n’y avait pas là de quoi satisfaire une imagination qui en toute chose demandait sa part. Savez-vous ce que fait Lope ? Il se jette à corps perdu dans les sciences occultes ; il ne vit plus qu’au milieu des alambics et des fourneaux ; et il aurait même fini, à ce qu’il avoue, par y laisser la raison, si une autre folie ne fût venue l’enlever à celle-là. Cette folie, c’était celle qui possédait Felix de Vega lorsque l’infidèle époux abandonnait la vallée de Carriedo ; cette folie, c’était celle qui devait venir un jour ou l’autre à un jeune homme ardent et sensible ; cette folie, c’était l’amour !
Quelle fut la beauté qui eut la gloire d’exciter les premiers soupirs du poëte ? À quelle condition sociale appartenait-elle ? En quel lieu, à quelle époque, dans quelles circonstances commença cette liaison ? Ce sont toutes questions auxquelles on ne pourrait répondre que par de vagues conjectures, et nous ne voulons pas imaginer un roman à ce sujet[2].
Chez l’évêque d’Avila, chez le grand inquisiteur, Lope n’était pas commodément placé pour suivre une intrigue d’amour ; il quitta donc le service du bon évêque, et entra comme secrétaire chez don Frédéric de Tolède, petit-fils du fameux duc d’Albe. Ce fut dans la maison de ce seigneur qu’il composa son Arcadie, imitée de la Diane de Montemayor, inspirée elle-même par l’Arcadie de Sannazar ; et d’après quelques expressions mystérieuses de Montalvan, l’on pense que sous le voile de la fiction il célébra les amours de son noble patron avec une dame de haut rang. Lui-même s’y est désigné sous le nom de Belardo, qui devint pour lui une espèce de surnom poétique[3].
Après une liaison de plusieurs années, Lope rentra chez
- ↑ L’italien, le portugais et le français. Il aimait beaucoup Ronsard.
- ↑ Voyez sur ce point, et sur tous ceux où nous ne sommes pas d’accord avec les précédents biographes, le morceau placé à la suite de cette notice et intitulé : DE QUELQUES ERREURS PUBLIÉES TOUCHANT LA VIE ET LES OUVRAGES DE LOPE DE VEGA.
- ↑ Il est ainsi appelé dans beaucoup de pièces composées en son honneur, et Lope lui-même s’est désigné sous ce nom dans l’Églogue à Amaryllis, ainsi que dans les compliments qui terminent plusieurs de ses comédies, notamment El hidalgo Bencerrage, — los Esclaves libros, — los Trabajos de Jacob, etc.