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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/21

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En disant que Lope remplit le monde de ses comédies, Cervantes n’a pas exagéré. Dès la fin du seizième siècle, l’heureux poëte était joué non-seulement sur tous les théâtres d’Espagne, mais à Naples, à Milan, à Vienne, à Bruxelles, à Constantinople, et jusqu’en Amérique !

Les premières années de son mariage, Lope les passa sans obtenir la satisfaction d’avoir des enfants. Mais enfin, vers l’année 1599, sa femme lui donna un fils qui fut nommé Carlos, et trois ou quatre ans après, la naissance d’un second fils, qu’on appela Lope, vint doubler son bonheur.

Maintenant que l’on connaît Lope, l’on peut imaginer la vivacité, l’ardeur de sa tendresse paternelle. Carlos, son premier né, était pour lui la cause d’inquiétudes charmantes. L’enfant n’avait guère que trois ou quatre ans, que déjà il se demandait avec anxiété vers quelle carrière il le dirigerait, si vers les lettres, si vers les armes ; et l’ayant fait peindre à cet âge, il voulut qu’on ajoutât au portrait des accessoires symboliques, un casque posé sur un livre, avec cette devise : Fata sciunt (c’est le secret du destin). Lope révélait ainsi lui-même sa secrète pensée.

En même temps il traitait Carlos avec une gravité toute espagnole et toute chrétienne. Ayant achevé les Pasteurs de Bethléhem, pastorale sacrée, voici en quels termes il lui dédie ce poëme : « Cette prose et ces vers adressés à l’Enfant-Dieu conviennent à votre jeune âge. S’il daigne vous accorder de longues années et que vous veniez à lire une Arcadie de pasteurs profanes, vous y verrez mon ignorance, comme dans celle-ci mon désabusement. Commencez à étudier en Christ en lisant son enfance ; ce sera lui qui vous enseignera comment vous devez vous conduire dans la vôtre. Puisse-t-il vous garder ! Votre père. »

Enfin d’autres fois Lope s’abandonnait avec délices au bonheur dont il jouissait. Dans une épître adressée au docteur Mathias de Porras, il l’a décrit d’une manière adorable : « Les tempêtes de l’amour étaient enfin apaisées, je n’avais plus à redouter ses fureurs. Chaque matin, avec l’aube, je voyais s’éveiller à mes côtés l’aimable et gracieux visage de ma douce épouse, sans souci de savoir par quelle porte m’évader. Les joues brillantes de l’éclat du lis et de la rose, mon petit Carlos me ravissait l’âme par la gentillesse de son babil