et compatissant, je sais aussi payer ce que je dois à la justice. Dis-moi, qui t’a outragé ? Qui a eu, sous mon règne, la folie d’offenser un homme pauvre ?
Un homme offensé pleure comme un enfant ; et les rois, qui sont les pères de leurs sujets, doivent excuser un homme offensé qui pleure.
Il m’a déjà disposé en sa faveur. — Parle, mon ami.
Sire, je suis de race noble, bien que des revers de fortune m’aient rendu pauvre dès mon bas âge. Je devais épouser mon égale. Or, pour ne pas manquer à mes obligations, j’ai fait part de mon projet avec plus de franchise que d’adresse, à don Tello de Neyra, seigneur du pays, en lui demandant son agrément. Lui il me l’a accordé libéralement et a voulu être mon parrain de noce[1]. Mais l’amour, qui peut inspirer des folies au plus sage, l’amour l’a rendu épris de ma future. En conséquence il a mis obstacle à mon mariage, et, la nuit même, accompagné d’une troupe de gens armés, il m’a enlevé ma femme, et m’a laissé sans appui, sans protection que la vôtre et celle du ciel ; car le père de ma fiancée et moi étant allés la lui redemander en gémissant, il nous a traités avec une cruauté inouïe, sans considérer que nous étions nobles, et au lieu de nous percer de son épée, il nous a fait frapper avec des bâtons. C’est pourquoi, sire, je viens m’adresser à vous.
Comte ?
Seigneur ?
Une table, de l’encre, du papier, et approchez un siége.
Voilà, sire, ce que vous avez demandé.
Quelle vertu ! Eh bien, Pélage, as-tu vu comme j’ai parlé au roi ?
Sur ma foi, c’est un brave homme.
Et dire qu’il y a des gentilshommes de village qui sont cruels aux pauvres gens !
En vérité, les rois de Castille doivent être des anges habillés
- ↑ En Espagne et en Portugal, les nouveaux mariés n’ont pas, comme chez nous, un garçon et une demoiselle d’honneur ; ils ont un parrain et une marraine.