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vivent la moitié de l’année plongés dans les ténèbres de la nuit, — pourquoi n’y en aurait-il pas d’autres vivant dans des conditions toutes contraires ? — Songez combien sont âpres les froids de la Norwége.

Celi.

Alors, l’ami, vous êtes à vous seul plus savant que toute l’antiquité, qui cependant avait mesuré la terre jusqu’en ses moindres fractions. Eh bien, allez… allez dans ce charmant pays que le soleil brûle de ses rayons enflammés ; mais prenez garde de renouveler l’aventure de Phaéton.

Sidonia.

Quelle bizarre idée ! — Dans un pays que le soleil chaufferait ainsi, les hommes n’y seraient-ils pas brûlés ? et comment se figurer que des hommes brûlés puissent vivre ?

Colomb.

On peut, seigneur, le supposer par induction en voyant ce qui se passe dans le nord.

Sidonia.

Pour ceci, c’est un fait reconnu.

Colomb.

Et ce que je dis le sera plus tard également. Oui, quand bien même tous les mathématiciens[1] du monde combattraient ma proposition, je la maintiendrais pour vraie.

Celi.

Il est inutile, duc, de causer davantage avec lui. Laissons-le. (À Colomb.) Il y a, dites-vous, un nouveau monde ? Eh bien, s’il y en a un, prenez-le !

Colomb.

C’est précisément pour cela que je demande votre appui.

Sidonia.

Merci ! — Celi seul est pour moi le monde.

Celi.

Et Sidonia est tout mon univers.

Ils sortent.
Colomb, à part.

Ah ! palais plein d’ignorance et de moquerie ! chaos de confusion ! nouvelle Babylone !

Premier Page.

Seigneur Colomb, à moi qui ne partage pas l’erreur de ces seigneurs, est-ce que vous ne me donnerez pas un petit peu de ce monde ?

Colomb, à part.

Peu s’en faut que ces enfants mêmes ne me traitent de fou  !

  1. Le mot mathématicien (matematico) servait à désigner en même temps un physicien, un astronome, un géographe.