Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/333

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Terrazas.

Il rend bien nos sentiments.

Colomb.

Je te vois donc enfin, ô terre ! ma mère bien-aimée. (Aux Espagnols.) Eh bien ! ai-je tenu ma parole ?

Pinzon.

Nous nous jetons à vos pieds. Pardonnez-nous, pardonnez-nous, Colomb, d’avoir pu manquer de confiance en vous.

Colomb, à frère Buyl.

Mon père, donnez-moi cette croix ; je la veux planter ici. Elle doit servir de fanal au Nouveau-Monde.

Frère Buyl.

Voici un endroit qui me semble propice.

Colomb.

Tous, tous à genoux !

Frère Buyl.

Heureux le rivage sur lequel va croître cette plante sacrée ! — Que chacun de nous l’invoque à son tour.

Colomb.

C’est à moi de te parler le premier, illustre et sainte couche sur laquelle Dieu est mort étendu. Tu es la noble bannière qu’il leva contre le péché, celui qui en mourant vainquit la mort et nous donna la vie, et je vois encore sur ton bois la trace de son sang glorieux.

Frère Buyl.

Indestructible mât du vaisseau de l’Église qui montes jusqu’au ciel comme l’échelle mystérieuse de Jacob, tu as pour voile le linceul qui enveloppa la dépouille du Dieu fait homme, et nul pilote n’égala jamais le grand prêtre qui te conduit.

Barthélemy.

Verge divine de Moïse, qui partageas la mer Rouge ; fanal lumineux et brillant qui guides l’homme dans sa marche, je te plante, non sans inquiétude, sur cette terre, quoique indigne de toi, puisqu’elle ne connaît pas le vrai Dieu. C’est ici le désert d’Égypte ; et si nous avons un peu de foi, nous aussi nous verrons la terre promise.

Pinzon.

Verdoyant laurier de victoire sur lequel se posa la tête du Christ, maintenant que tu as paru pour ton honneur dans un nouveau monde, purifie ce pays des souillures de l’idolâtrie, car le sang dont tu es teint a coulé pour tous les hommes ; et croîs en ce lieu où t’a planté notre audace chrétienne.

Arana.

Harpe mélodieuse de David sur laquelle fut fixé douloureusement celui dont tu as prophétisé la venue, et sur laquelle le saint roi chanta un jour cette musique mélancolique dont le ciel fut attristé,