En admirant l’audace de Colomb, ils comprendront toute la grandeur de leur faute. L’Angleterre, la France, le Portugal et les autres peuples reconnaîtront leur ignorance.
Combien de cœurs va attirer l’aimant puissant que nous avons trouvé ici !
La soif de l’or, — de cet or qui, selon l’expression d’un grand poëte, soumet tous les rangs et tous les âges, — va s’étancher dans les richesses du nouveau monde. L’Europe se dépeuplera pour venir visiter ce vaste continent, et l’Océan sera témoin sans doute de quelque nouvelle Pharsale.
Un homme d’esprit disait de l’or, que s’il est jaune, cela tient à l’inquiétude continuelle où il est à cause de la foule de gens que l’avarice précipite incessamment à sa poursuite. Tant de monde va maintenant se mettre à sa recherche qu’il en deviendra plus jaune encore.
Il deviendra aussi plus commun.
Oui, mais il finira par se cacher et manquer.
En as-tu beaucoup ?
J’en ai, grâce à Dieu, tout autant qu’il m’en faut pour vivre à l’aise en Espagne à mon retour ; car ici l’on dépense plus de patience que d’or.
Je reconnais à présent que sans contentement la richesse n’est rien. À quoi me servent maintenant tous mes lingots ? À quoi puis-je les employer dans ce pays barbare ? Plus j’en ai, plus j’en veux, et ne suis jamais satisfait. Puisque tu n’es point dans l’or, où donc es-tu, contentement ? Tu n’es sans doute nulle part, car j’ai importuné le ciel pour m’enrichir, et à présent que je suis riche en ai-je plus de joie ?
Vous avez raison ; et moi aussi, je l’ai remarqué, cet or n’est qu’une imagination, une chimère comme les coffres du Cid[1]. Le bonheur ne se trouve guère qu’entre Tolède et Madrid.
- ↑ Suivant les traditions espagnoles, le Cid emprunta une somme assez considérable à des Juifs, en leur donnant pour gage deux coffres qui étaient censés pleins d’argenterie et qui ne contenaient que du sable. On pourrait reprocher au Cid cette petite supercherie ; mais, après tout, comme il le dit lui-même avec esprit dans les romances, ces coffres renfermaient l’or de sa parole.