Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/359

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Dulcan, seul.

Que faire ? Dois-je laisser Ongol pour ce dieu étranger ? Dois-je laisser le soleil, la lune, les étoiles, pour ce Dieu homme, pour ce Dieu espagnol ? Dois-je cesser d’adorer leur lumière pour adorer cette croix de bois sur laquelle leur Dieu est mort ? — Il le faut : car si je ne faisais pas comme ils veulent, ils pourraient bien me tuer ; et je dois me soumettre, quoique l’on doive chercher Dieu par amour et non par crainte. — Ah ! combien il est difficile de renoncer à son antique foi… Mais si Ongol n’est qu’un ange rebelle, et si le Christ est ce Dieu puissant qui châtia sa rébellion, il vaut mieux suivre le Christ.

Il va pour sortir.


Entre LE DÉMON, sous le costume d’un Indien.
Le Démon.

Arrête, Dulcan ; où vas-tu ?

Dulcan.

Qui es-tu ?

Le Démon.

Ton dieu.

Dulcan.

Pourquoi m’empêcher de sortir ?

Le Démon.

Pour que tu n’ailles point là-bas ?

Dulcan.

Je ne puis t’écouter : je l’ai promis.

Le Démon.

Je te tuerai.

Dulcan.

J’espère que non.

Le Démon.

Alors où vas-tu ?

Dulcan.

À la messe.

Le Démon.

Insensé, qui crois à cette feinte amitié ! Ne vois-tu pas que ces hommes, sous prétexte de religion, viennent ici prendre ton or, et qu’ils feignent de travailler à l’établissement du christianisme jusqu’à ce que d’autres les remplacent, qui achèvent de t’enlever toutes tes richesses ? — Car voilà que Colomb arrive en Espagne.

Dulcan.

Alors, Ongol, dis-moi, à quoi verrai-je que ces gens-là me trompent ?

Le Démon.

À ce que le Soleil vient de voiler sa face pour ne pas être témoin de ton abandon. — Et puis, écoute. Ce perfide Rodrigue qui se dit ton ami, c’est lui qui t’a enlevé Tacuana. Il prétend qu’un autre