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LE MOULIN.

(EL MOLINO.)




NOTICE.


Le Moulin ne saurait être cité parmi les comédies les plus remarquables de Lope. Loin de là, et contrairement à l’usage suivi en pareille circonstance, — nous annonçons cette pièce comme étant d’une valeur moyenne, et la plus faible de toutes celles que nous nous proposons de publier. Deux motifs nous ont engagés à la traduire : d’abord Lope s’est plu souvent à traiter un sujet analogue ; et ensuite, par plusieurs raisons trop longues à déduire, nous avons été amené à penser que cet ouvrage devait être au nombre de ceux que le poète espagnol a composés dans l’espace de vingt-quatre heures. À ces divers titres, il nous a paru que la présente comédie pourrait avoir quelque intérêt pour les lecteurs.

Voici le genre, ou, si l’on veut, le type général de composition auquel se rattache le Moulin. Un cavalier et une dame sont obligés de quitter la cour, par suite des persécutions d’un prince ou d’un roi qui, la plupart du temps, est le rival du cavalier. Ils se réfugient au village, et se cachent sous un déguisement rustique. Enfin, après bien des traverses, ils finissent par surmonter tous les obstacles, et, suivant l’usage, ils se marient. — Tel est le thème sur lequel Lope a composé, avec de légères variations, — trente ou quarante des trois ou quatre cents pièces qui nous restent encore de son immense répertoire ; et cela pourrait faire supposer qu’il en avait composé plus d’une centaine du même genre. Dans ces sortes de pastorales, Lope trouvait l’avantage de pouvoir mettre en contraste les mœurs et le langage de la cour, avec le langage et les mœurs des champs, pour lesquelles il avait une secrète prédilection, et qu’il a peintes, disent tous les critiques espagnols, avec un naturel parfait.

Le Moulin n’est selon nous, qu’une rapide esquisse ; on reconnaît cependant, à la manière dont les figures principales sont tracées, la main la plus habile. — Les deux amants de la cour, le comte et la duchesse sont suffisamment caractérisés. — Tamiro, le séducteur campagnard, vaniteux et volage ; Melampo le dédaigné, qui voit successivement deux rivaux mieux traités que lui par l’ingrate qu’il adore, et qui attend son tour dans une impatience mélancolique ; le meunier Leridano, vieux bonhomme espagnol à l’esprit contemplatif et à l’imagination délicate ; enfin la coquette et malicieuse Laura sont également fort bien.

Dans son Nouvel art dramatique, Lope nous apprend que le roi Philippe II n’aimait pas que l’on représentât des rois sur le théâtre. Cela n’a pas empêché notre poète de fonder la comédie nouvelle sur le mélange des personnes royales avec des gens des conditions les plus humbles, et dans ses pièces historiques, il les a mises en scène avec la plus grande liberté. Dans ses pièces d’invention, quand il est forcé par son sujet de faire figurer un roi ou un prince d’une vertu douteuse, il a recours, comme l’a remarqué avant nous lord Holland, à un expédient qui nous semble assez adroit : il place près d’eux des