Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/117

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est d’être un jour ton époux ? et dois-tu récompenser de la sorte une foi aussi constante, une ardeur aussi pure ?

Laurencia.

Je ne puis pas te parler autrement.

Frondoso.

Est-il possible que tu me voies sans pitié accablé d’ennuis ? n’es-tu pas touchée de savoir que sans cesse occupé de toi je ne puis ni boire, ni manger, ni dormir ? Comment tant de rigueur peut-elle se trouver avec une figure aussi angélique ? — Vive Dieu ! j’en mourrai.

Laurencia.

Fais-toi guérir de cette maladie[1].

Frondoso.

Toi seule peux me donner la guérison. — Ah ! que je serais heureux si je pouvais te becquotter comme un pigeon fait la colombe, quand l’Église nous en aura donné la permission !

Laurencia.

Eh bien, parles-en à mon oncle Juan Roxo. Quoique je ne t’aime pas encore, il me semble que ça pourra venir.

Frondoso.

Ô ciel ! que vois-je ? le commandeur !

Laurencia.

Il poursuit sans doute quelque daim. — Cache-toi dans ces broussailles.

Frondoso.

Et Dieu sait avec quelle jalousie !

Il se cache.


Entre LE COMMANDEUR.
Le Commandeur.

Ma foi ! ce n’est pas malheureux quand on poursuit un daim de rencontrer une si jolie biche.

Laurencia.

Fatiguée de laver, je me reposais un moment sous ces arbres. Maintenant, je vais retourner à la fontaine, si votre seigneurie veut bien me le permettre.

Le Commandeur.

Tu ne saurais dire, belle Laurencia, à quel point tes dédains sauvages nuisent aux grâces dont le ciel t’a douée. Ils seraient capables de t’enlaidir. Mais si tu as pu d’autres fois te dérober à mes prières, il n’en sera pas de même aujourd’hui ; et cette solitude où nous sommes te permet de m’écouter. Toi seule me traites avec cette hauteur, toi seule repousses un seigneur qui t’adore. Dis-moi,

  1. Dans l’original, Frondoso dit qu’il enrage ou qu’il est enragé, et Laurencia lui répond de se faire saluer. Les saludadores (ceux qui saluaient) étaient des gens qui prétendaient avoir le don de guérir la rage, l’épilepsie, etc., etc., au moyen de certaines simagrées.