Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/241

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Chacon.

Allons, de grâce, madame, cessez ce persiflage… Ne voyez-vous pas qu’il est aux abois ? — Consolez-le plutôt. Au lieu de vous moquer, dites-lui que ce n’est pas votre faute, que vous n’avez pas pu fermer votre porte au nez d’un roi. Eh ! mon Dieu ! je sais bien par mon expérience qu’il faut de la jalousie autour de l’amour, comme du persil autour du mouton bouilli, pour l’assaisonner. Mais quel plaisir trouvez-vous à faire pleurer un homme, un Cid, comme une femmelette ?

Dorothée.

En quoi donc l’ai-je offensé ?

Chacon.

Allons, par pitié, dites-lui un petit mot.

Dorothée.

Don Juan, mon ami, tournez vos yeux vers moi. Écoutez.

Don Juan.

Je n’ai rien à entendre. Que le ciel me foudroie si je remets les pieds ici !… Devais-je m’attendre à une conduite aussi infâme ?

Dorothée.

Quelle parole, don Juan ! Vous oubliez donc à qui vous l’adressez ?… Eh bien ! si jamais ou vous ou quelqu’un de votre part remet jamais les pieds dans cette maison[1] ; si jamais je vous rencontre soit dans la rue, soit à l’église, soit ailleurs…

Don Juan.

Arrêtez, n’achevez pas, ô mon ange ! c’était la colère qui m’inspirait. — Chacon, supplie-la, implore-la en ma faveur.

Chacon.

Allons, madame.

Don Juan.

Approche, approche encore.

Chacon.

Je crains un coup de pantoufle. (Haut.) Allons, madame, par pitié. — Inès, joins tes prières aux miennes.

Inès.

Vous mériteriez, vous, cent coups de bâton.

Dorothée et Inès sortent.
Chacon.

Bon ! les voilà parties !

Don Juan.

Ah ! la tigresse !

Chacon.

Ah ! porc-épic !

  1. Si tu, ni cosa por ti
    Buelve a esta casa jamas
    , etc. etc.

    on voit que nous avons reproduit la légère incorrection qui se trouve dans le texte. Une femme dans la passion ne doit pas parler comme écrit un grammairien.