Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lucindo.

Pour te rassurer, voilà ma bourse.

Tristan.

Bon ! mais ne vous avisez pas non plus de lui donner votre chaîne.

Lucindo.

Ce ne serait pas la peine d’y avoir fait mettre des garnitures neuves.

Tristan.

Ôtez-vous-la, je vous en conjure sur ma vie.

Lucindo.

Prends-la donc, et garde-la bien.

Tristan.

Ne vous fâchez pas non plus si je vous demande ces deux bagues.

Lucindo.

Tiens donc. Les voilà encore.

Tristan.

C’est que, voyez-vous, ce sont des pierres précieuses. Et quand on dit que les amants jettent des pierres par les rues, on veut dire des pierres de cette espèce ; car il y a des femmes qui sont des hydres qui vous avalent ces pierres-là fort gentiment.

Lucindo.

On a coutume de dire cela quand on parle d’amants inconsidérés, de niais ou de fous.

Tristan.

On donne encore à cela un autre sens : c’est qu’un homme qui rend des soins à des créatures de bas étage, jette des diamants dans la rue.

Lucindo.

Pour moi, je vais sans diamants, sans argent et sans chaîne.

Tristan.

Ne vous en plaignez pas ; car si elle est une mer dangereuse, vous avez eu raison de vous dépouiller sur le rivage avant de vous y confier. Marchons.

Lucindo et Tristan sortent.



Scène II.

Un autre côté du port.


Entrent DINARDA, BERNARDO et FABIO. Dinarda est vêtue en homme et porte un habit de voyage. Bernardo et Fabio sont vêtus en pages.
Dinarda.

On dirait que la mer rejette des jeunes garçons sur ses rives.

Bernardo.

Puisque la terre nous recueille, je veux baiser la terre.