Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/276

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Henri.

Ne criez pas, rassurez-vous.

Dorothée.

Qui êtes-vous ?

Henri.

Ne le voyez-vous pas ?

Dorothée.

Comment avez-vous pu pénétrer jusqu’ici ?

Henri.

Comme Jupiter, l’amour m’a converti en pluie d’or, et vous savez que cette pluie pénètre partout. Théodora est renfermée dans sa chambre ; elle m’a laissé le maître. Ayez pitié de mes peines. Vos cris inutiles seraient emportés par le vent… mes gens gardent la rue, et personne n’entrera… Votre frère est absent… tout est prévu.

Dorothée.

Ah ! prince, quelle obstination peu généreuse !… Ô mon frère, comme on t’a trompé sous les dehors d’une fausse bienveillance !

Henri.

Plaintes inutiles ! Regardez, voilà le jour qui s’approche… vous avez assez résisté. Le plus brave soldat finit par se rendre, et il conserve son honneur lorsqu’il s’est aussi vaillamment défendu. Que prétends-tu faire ? Conserve du moins ta vie, puisque ton honneur n’est plus en ton pouvoir.

Dorothée.

Me croyez-vous donc rendue ?

Henri.

Toute femme, à votre place…

Dorothée.

Eh bien, alors tuez-moi ; vos désirs s’apaiseront quand vous me verrez morte à vos pieds.

Henri.

Les heures s’écoulent, cruelle. Cédez enfin à celui qui vous adore.

Dorothée.

Veuillez d’abord m’écouter.

Henri.

Songez-y, c’est l’amour qui m’a conduit ici… un amour qui ne finira qu’avec moi.

Dorothée.

Il sera satisfait. Écoutez-moi.

Henri.

Parlez donc.

Dorothée.

Lorsque vous vîntes à Séville avec le roi don Pèdre, votre frère, — illustre infant, — il y avait déjà plusieurs années qu’un cavalier m’adressait ses hommages, avec les intentions les plus légitimes. Je