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Don Fernand.

Songez-y, la faute en sera à vous seul. Nous voici déjà fort loin de la ville.


Entre DON JUAN D’AGUILAR ; il est en habits de voyage, et l’on dirait qu’il vient de mettre pied à terre.
Don Juan, à part.

Cela est de mauvais augure[1] ; mais je ne puis pas faire autrement que d’intervenir. — Serait-il juste et honnête que je demeurasse à cheval simple spectateur d’un combat entre ces deux cavaliers ?

Don Fernand.

Eh bien ! puisque vous le voulez absolument, mon épée va répondre à la vôtre.

Don Juan.

Arrêtez !

Don Pèdre, tombant.

Ah ! mon Dieu !

Don Fernand.

Qu’est-ce donc ?

Don Juan.

Il l’a traversé de part en part.

Don Fernand.

Voilà qui est fait.

Il sort.
Don Juan, s’approchant de don Pèdre.

Holà ! cavalier ! Il ne parle plus… et l’autre a disparu me laissant dans un embarras sans égal. — Que faire ? Dieu me soit en aide !… Qui ne croira que c’est moi qui l’ai tué ? Il a rendu le dernier soupir. Je viens de Séville tout exprès pour me battre avec un cavalier, et en arrivant, voilà le spectacle que je trouve. C’est un avertissement du ciel, et sans entrer à Tolède, je veux m’en retourner dès que mon valet m’aura rejoint, je retourne à Orgaz… Mais qu’est ceci ? ma mule n’est plus là… ce sera le meurtrier qui l’aura prise. Voilà un homme tout à fait sans façon. Il jette l’un à terre et laisse l’autre à pied.


Entrent UN ALGUAZIL, LE GREFFIER et LES VALETS.
L’Alguazil.

Au nom du roi, arrêtez !

Don Juan.

Il faut bien par force que je m’arrête, car le cavalier qui a tué cet homme-ci m’a enlevé la mule qui me servait de monture.

Le Greffier.

Bravo ! voilà une réponse qui ne manque pas d’audace… Un

  1. Aunque mal aguero sea, etc., etc.

    Il paraît qu’il était resté quelque chose chez les Espagnols de la croyance aux augures.