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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/317

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Don Juan.

Le lion farouche dont une épine cruelle a traversé le pied le donne à guérir à un esclave plein d’humanité ; et plus tard, retrouvant dans l’amphithéâtre de Rome son sauveur qu’on envoyait à la mort, il se couche humblement devant lui, et lèche sa main bienfaisante. Si un animal féroce s’est ainsi rappelé le bien qu’il avait reçu, quel homme pourrait l’oublier ? Si un animal féroce a montré tant de reconnaissance, quelle horreur ne doit pas inspirer un ingrat[1] ?


Entre CITRON.
Citron.

Depuis que vous vous êtes ainsi lié avec le fils du corrégidor, il me semble, seigneur don Juan, que vous êtes de meilleure humeur. — Eh bien, quoi de nouveau ? que devient cette vieille espiègle qui s’amuse à vous monter la tête avec son prétendu portrait ?

Don Juan.

Ce portrait, qui seul prouve que je ne m’abuse pas, et que c’est toi qui es dans l’erreur, — ce portrait annonce une personne de quinze ou seize ans.

Citron.

S’il en est ainsi, — bien que j’aie ouï dire que les jeunes filles de cet âge exhalaient un parfum tout particulier[2], la voilà à la saison des amours, et elle ne doit pas être la femme de votre ami don Fernand ; car à quinze ans elle ne serait point mariée et libre.

Don Juan.

Je ne sais… mais je me meurs.

Citron.

Quelle folie !… Peut-on aimer un objet qu’on n’a point vu !

Don Juan.

J’y périrai, te dis-je.

Citron.

C’est la première fois qu’on voit — Aimer sans savoir qui.

Don Juan.

Elle m’écrit dans le même sens.

Citron.

Combien de lettres avez-vous déjà reçues d’elle ?

Don Juan.

Une vingtaine.

Citron.

Et toujours elle s’obstine à ne vous dire ni son nom ni son adresse ?

  1. Dans l’original, ce monologue forme un sonnet.
  2. Puesto que decir oi
    Que niñas huelen al nido.