Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/81

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Phénice.

Je vous avertis seulement que l’on exige trente pour cent.

Lucindo.

Quelles prétentions exorbitantes !

Phénice.

Il convient que vous en passiez par là.

Lucindo.

Cela n’est pas raisonnable.

Phénice.

Vous aurez un assez grand bénéfice.

Lucindo.

Tâchez, par vos beaux yeux, d’obtenir que l’on se contente de vingt pour cent. — Mais je ne veux pas vous tourmenter davantage à cet égard, ma chère âme, car voilà du monde. Je vous irai voir ce soir. (À Tristan.) Parle un peu à Phénice, Tristan.

Phénice.

Quoi ! c’est vous, Tristan ? Comme vous avez bonne mine, mon garçon !

Tristan.

Que le ciel vous garde, madame !

Phénice.

À cette heure que votre maître est riche, vous adoptez un langage cérémonieux.

Tristan.

Voici pour vous, madame, une autre occasion qui n’est pas mauvaise, n’est-il pas vrai ?

Phénice.

Je comprends ! vous m’accusez, vous me soupçonnez !

Tristan.

Plût à Dieu que ce ne fût qu’un simple soupçon !… — Maudite soit la persistance avec laquelle mon maître s’obstine à vous aimer ! Faut-il, quand vous l’avez déjà trompé une fois, qu’il revienne encore comme un écervelé vers la plus perfide des femmes ?

Phénice.

Vous êtes trop sévère envers moi, Tristan.

Tristan.

Je suis furieux ! — Ah ! si vous eussiez vu cette pauvre dupe sur la mer où il voulait se jeter à chaque instant pour éteindre le feu qui le consumait ! Si vous l’aviez vu à Valence, où il ne faisait que se désoler, que pleurer et gémir jour et nuit !… J’ai failli en perdre patience… Il ne s’est un peu consolé que lorsqu’on lui a eu confié de nouvelles marchandises.

Phénice.

En a-t-il pour une grande valeur ?

Tristan.

Mais oui, assez… Pour trente mille ducats environ.