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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/126

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lourds et pressés au pied de la terrasse des êtres noirs, harassés, sans figure humaine, la face et les mains barbouillées de suie, se hâtaient par groupes à l’ombre grêle des peupliers de la route les ouvriers de la fonderie. Cuits et recuits à la chaleur des fours, au brazillement des fontes incandescentes, de pauvres corps aux mains noueuses et déformées, aux torses déjetés et comme écrasés sous une fatigue séculaire, torses du travailleur que les races d’ouvriers se lèguent de père en fils et qui ne se redressent jamais ; et dans ces haillons, dans ces loqueteuses toiles, les regards navrés qu’a si bien peints le poète Maurice Maëterlink en deux poignantes épithètes, des regards pauvres et las.

En passant devant la terrasse, où se tenaient le directeur et ses invités, tous hâtaient le pas, gauchement, comme honteux, les uns soulevant leur casquette, les autres baissant plus bas le front, aveugles ou feignant de ne pas voir.

« Mourienne ! » criait tout à coup sir Williams en s’approchant de la balustrade. Instinctivement, nous nous étions levés ; un homme venait de se détacher d’un groupe, un homme noir de suie