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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/197

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pour aimer sûrement un futur assassin, futur client de M. Deibler, va chercher ses amants dans les bouges de Saint-Ouen, dans les baraques de luttes, les tapis-francs et les repaires, celle qui déprave à coups de billets de banque ses mâles d’une nuit et leur dit à l’aube en les quittant : « Surtout ne vas pas assassiner quelqu’un, Auguste », avec l’intime espoir au cœur qu’ils surineront dans quelques jours. Elle sait où les revoir, la dame aux lèvres rouges, place de la Roquette, vis-à-vis de la fameuse fenêtre ; elle est la petite sœur des pauvres de la dernière heure, celle qui accueille de loin, et le dernier regard des condamnés à mort et de loin les console de son rouge sourire : ses baisers ont comme un goût de sang, d’où l’écarlate de ses lèvres.

Les têtes des exécutés ses amants, si elle pouvait, elle irait, j’en suis sûr, elle irait comme le fît jadis une princesse de Valois pour un seigneur de la Mole, elle irait, déjà exsangues et raidies, les tirer du son grumeloté du panier et les baiser longuement sur les lèvres, leurs lèvres de suppliciés déjà froides et bleues. Le marquis de Sade