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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/227

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les langues s’en escrimèrent. Bref, le comte de Nauretale, qui partageait l’opinion de Jules César sur la vertu des femmes et voulait la sienne insoupçonnée, provoqua Manehaustein à la première bagatelle et le tua net… d’un coup d’épée… comme un papillon transpercé d’une aiguille… en plein cœur.

La comtesse ne quitta ni son mari ni ses robes de gaze de soie tramée d’or ; elle parut même le soir du duel aux Italiens dans sa loge ; mais le lendemain une légende courait dans Paris la nuit même, une heure après minuit, la religieuse de garde auprès du corps aurait vu entrer dans la chambre mortuaire, pâle et les yeux fixes, une radieuse et défaillante jeune femme, épaules nues, diamantée, en grande toilette du soir ; la nocturne visiteuse, sans un mot, toute raide sous ses diamants, se serait avancée jusqu’au chevet du mort, et là, d’un grand geste tragique abattant le linceul et mettant à nu le cadavre, aurait longuement, goulûment, désespérément repu ses yeux de cette nudité livide, et puis, toujours raide et blême, serait sortie de la chambre sans dire un mot.