Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/274

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veux du cou en imitant le ronronnement du chat. Jacques ne bougeait pas davantage ; aux grands maux les grands remèdes ; le domino tirait alors de dessous sa robe un flacon d’or bouché à l’émeri, penchait ce flacon sur une coupe et approchait cette coupe des lèvres du dormeur ; Jacques avait un sursaut et s’éveillait soudain. Suzanne, toujours souriante, lui tendait alors la coupe et lui, subitement dégrisé, avalait, se levait et, titubant encore un peu, enfilait sa pelisse, s’excusait… Nous partions !

Le révulsif que lui avait versé Suzanne, c’était tout simplement de l’éther, cet éther qui ne la quittait jamais, elle, et qui lui avait fait dans la galanterie la belle réputation d’éthéromane, que devait six mois après justifier sa fin ! Mais maintenant je ne la voyais que debout dans les plis roides de son domino noir, versant le poison à son amant, d’un geste que rendait tragique le hideux loup de satin vert dont elle venait de se masquer de l’autre main ; cette nuit-là Suzanne avait eu la fantaisie de ce masque de satin vert pâle, assorti à la nuance de ses bas et des rubans de son domino.