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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/276

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il s’était aperçu qu’il lui manquait vingt francs. Ce n’était pas un franc qu’il avait donné à cette fille, mais un louis.

Furieux, il n’avait fait qu’un bond jusqu’aux salles d’en bas, où la fille traînait encore : une morte le long des banquettes. Et maintenant, comme elle niait, stupide, obstinément butée dans un entêtement de brute, injuriant le patron et riant au sergot, on la fouillait, on la déshabillait.

Et je revoyais ce grand corps de femme affalé sur la banquette avec ses jambes nues pendantes hors de la robe déteinte, son gainsbouroug sur l’oreille, et son sourire heureux, hébété de pocharde ; (visite faite, il n’y avait rien dans ses bas noirs) je revoyais le volé sinistre avec son regard fixe et ses cheveux dépeignés d’ivrogne, en mèches raides sur le front, son air désespéré et résolu, sa physionomie d’assassin ; je revoyais le haussement d’épaves du patron regagnant son comptoir et la démarche traînassée du sergot reprenant son quart au coin de la rue avec la même mimique de dos, lasse, insoucieuse.