Jacques, l’amant de cette pauvre Suzanne, Jacques, mon ami Jacques, devenu en dix mois un de nos charmants intoxiqués de cette fin de siècle.
Et je me prenais à songer maintenant qu’elle ne mentait peut-être pas autant que j’aurais voulu le croire, la légende échafaudée autour de sa manie, et qui voulait que ce misérable essayât de tuer avec ce poison les souvenirs d’une maîtresse adorée, morte il y a des mois en pleine lune de miel, presque au début d’une liaison toute d’amour et de sensuelle ivresse.
Mais la vérité m’apparaissait, une vérité sinistre et terrifiante. Suzanne était éthéromane, et elle et lui s’intoxiquaient ensemble ; la femme, morte de son vice, l’avait légué à son amant au-delà de la tombe. L’homme avait survécu, mais, complices tous deux du crime, la morte réclamait ce vivant, et maintenant elle l’avait à elle, sûrement.
Je viens d’enterrer mon ami Jacques, un ami de mon enfance, et même de mon âge mûr, si tant est-il qu’on soit mûr à trente-quatre ans,