Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/61

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et le reflet de neige du dehors, j’avais encore présente à mes yeux l’éblouissante vision de sa toison d’aurore, illuminant les vertes profondeurs des futaies de Franqueville.

— « Oui, c’est sa dernière folie, un caprice de mourante auquel on ne résiste pas. Tendue sur la chaise longue en jonc doré de sa chambre, le visage enfoui dans le velours ras des coussins ou la batiste des oreillers, elle tend à lord Mordaunt la soie lourde et fluide de sa belle chevelure : « Peignez-moi, peignez-moi, la tête me fait si mal ». Et sa voix est comme un soupir qui implore, câline et caresse. « Peignez-moi. » Et les yeux absents, la bouche crispée dans un navrant sourire, lord Mordaunt obéit ; il passe lentement, doucement, avec d’infinies précautions, la morsure du peigne à travers l’ambre clair et mouvant de ses cheveux ; et cela des heures durant, pendant toute une monotone et mourante journée et sans un geste de fatigue, sans un mouvement de lassitude, d’ennui ; avec des recherches savantes, il appuie tantôt les dents du peigne, tantôt égare à peine un frôlement, une caresse ; et elle, la frêle et sensuelle