Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/64

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la décider à quitter pays, mari et famille, et l’amener où ils en sont tous deux, au malheur et au châtiment. »

Je faillis pousser un cri. Au fond de ce corridor où je grelottais, l’oreille collée à la serrure, deux yeux brillaient fixés sur moi dans la clarté laiteuse des vitres de l’imposte, deux prunelles bleu sombre, les regard douloureux et largement ouverts de la pâle lady Mordaunt, les deux yeux fous de la dame de Sonyeuse.

Je remontais précipitamment l’escalier, heurtant mes pieds nus à l’angle des marches et, plus mort que vif, me blottissais à tâtons dans la tiédeur de mes draps.

Toute la nuit un cauchemar atroce me dressa sur mon séant, la nuque humide et le pouls battant la campagne. Une vision affreuse, la tête comme décapitée de lady Mordaunt exsangue et pâle, aux yeux morts et noyés de stupeur, promenée à hauteur de mes lèvres par une main d’homme aux doigts osseux crispée, comme une serre, dans l’or blond de sa chevelure ; la main de