Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/73

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À peine rétabli, ma mère alla d’elle-même au-devant du pieux mensonge échafaudé pour ménager ma nervosité d’enfant précoce et ma trop chaude imagination.

Comme à ma première sortie à pied je balbutiais le nom de Sonyeuse, ma mère, ajustant son châle sur ses épaules et les brides de son chapeau sous son menton, prenait pour la première fois mon bras de petit garçon et, tout fier de cet honneur qui me grandissait d’une nouvelle importance, m’emmenait sans mot dire dans la direction de l’Abbaye et du quartier des Vieux-Hôtels et des couvents ; mais, au moment d’enfiler la rue Viorne, elle tournait brusquement à gauche, prenait la rue des Capucins et la rue de Saulnes que termine la grille en fer forge du cimetière de S…, si délicatement ajourée entre ses piliers rongés de lierre.

— « Mais nous allons au cimetière. »

Ma mère se contentait de s’appuyer silencieusement sur mon bras ; nous marchions parmi les tombes maintenant.

Presque gai, ce petit cimetière de S…, entre ses quatre murs nus dévallant en pente douce au-dessus