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SUR UN DIEU MORT

Conte pour Lucienne.

C’était une singulière descente de croix, en effet et, bien que sa facture à la fois précieuse et naïve décelât un primitif, un sentiment de paganisme affiné imprégnait toute la pieuse peinture de je ne sais quel charme délicatement sensuel, qui dans cette église étonnait.

C’était pourtant bien là le corps exsangue et de souffrance exténué du Sauveur, glissant avec des mollesses d’étoffe entre les bras du bien-aimé disciple et des saintes femmes attentives ; c’était bien là sa nudité divine au flanc béant ourlé de sang rosâtre avec les plaies de ses pieds tuméfiés, ses tristes mains trouées aux paumes et son lourd ruissellement de gouttelettes rouges aux tempes. Le gibet, au pied duquel les deux femmes affaissées re-