Aller au contenu

Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tombée, elle, sur les genoux sous le poids d’une surhumaine douleur, le visage enfoui sous une torrentielle chevelure couleur de rouille, incendiée çà et là de tous les ors d’une automnale forêt. Ces adorations délirantes et ces frénésies de caresses aux lèvres promenées sur des trous de plaies, ces appuiements de front contre ces chairs déjà froides et ces prosternements éperdus d’amoureuse vautrée, les mains tâtonnantes, sur un idolâtré cadavre, tout cela était d’une Marie de Magdala, d’une courtisane divine, folle de l’amour d’un Dieu.

De la Vierge et de la Magdeleine, l’artiste avait respecté et le costume et l’attitude ; la beauté de la courtisane baignée d’essences rares et nourrie de mets délicats éclatait, selon la tradition, dans la fraîcheur des chairs frottées d’ombres vermeilles et fleuries, telles des roses, entre de longs voiles noirs ; et depuis la foisonnante crinière, griffée çà et là d’escarboucles, jusqu’aux tendres orteils de ses pieds nus d’un rose humide de fleur, tout criait la volupté, l’opulence et je ne sais quelle sensuelle mollesse dans cette belle fille rousse hurlante de douleur ; et pourtant le souple et blanc cadavre, qu’elles et une hautaine sil-