Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/186

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et folle, pour s’évaporer, s’évanouir à l’entrée de la rue de la Huchette, cette rue chaude de la prostitution et du crime, vraie cour des Miracles de la moderne truanderie de l’amour.

— Quelque fille de la place Maubert, me chuchotait Alexis Sternef, le compagnon ordinaire de mes pérégrinations nocturnes, nous la retrouverons sûrement au Château-Rouge ou chez le Père Lunette, mais crois-moi, prenons la rue du Pavé. La rue de la Huchette est mauvaise à cette heure avec son long couloir de grands murs, qui l’étranglent entre Saint-Julien-le-Pauvre et l’asile de nuit.

— Tu as peur ? Nous sommes deux pourtant, et puis, ça me connaît, la place Maub. J’ai beaucoup frayé jadis avec la grande pêche du quartier et parle argot comme un souteneur.

— Et si on nous assassine… Le coup de couteau reçu, tu seras bien avancé !…

— Pas d’autre moyen de la retrouver, pourtant. Viens donc, cette fille m’intrigue, je crois avoir vu sa figure quelque part.

Et nous nous engagions dans la rue soupçonnée. Obscure et déserte pendant des centaines de pas, d’une solitude sinistre de coupe-gorge, elle grouillait par places d’une vermine