Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/206

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entre le beurre et les fruits ; instinctivement j’achetai des bottelées de narcisses, de giroflées blanches à senteur de vanille et de poivre, et à six heures moins le quart j’étais à la gare Saint-Lazare, dans le train ouvrier, les bras chargés de fleurs.

J’étais à six heures et demie chez moi à Auteuil, Marthe dormait. Elle ne m’entendit pas rentrer et je pus avec des précautions me déshabiller et me coucher dans la chambre que j’occupe auprès de la sienne, sans troubler son sommeil, le sommeil du matin, le sommeil si précieux où se refont le sang et les forces épuisées des malades…, et vers dix heures c’était sa voix qui m’éveillait en me demandant d’un appartement à l’autre « Comment as-tu dormi ? Tu as rêvé tout haut cette nuit, tu m’as appelé par mon nom deux fois.

— « Moi, c’est toi qui as rêvé, ma chérie.

— « Pas du tout, je ne dormais pas, je venais de me verser une cuillère de chloral, tu as appelé deux fois, mais assez fort, Marthe, Marthe…, alors je t’ai demandé ce que tu avais, mais tu n’as pas répondu… alors j’ai pensé que tu rêvais et je t’ai laissé dormir.

« J’ai même regardé l’heure à ma montre et