Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/248

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à l’élégante coiffure personnifiait tout à coup à mes yeux la faillite. Instinctivement je me pris à la haïr, cette dame aux gros bijoux dont les affreux conseils donnaient à la pauvre coiffeuse une si navrante face de suppliciée, ces tristes yeux vaincus par l’envie de pleurer.

Dernier symptôme alarmant, d’effarées voisines venaient à chaque instant du dehors, avançaient le cou dans l’embrasure de la porte et, sans entrer, fouillaient la boutique du regard, lançant un muet appel de l’œil et, sur un signe de tête de l’un des deux garçons, se retiraient sans mot dire, la mine consternée, et derrière elles bruissaient de vagues chuchotements ; à la fin je n’y tins plus et, à peine installé sur le premier siège vacant. — Qu’y a-t-il donc, murmurai-je au garçon qui me savonnait les joues, il se passe quelque chose dans le quartier. » — À quoi lui se penchant à mon oreille — « Monsieur ne sait pas, le patron est parti, — Parti ? — Oui, depuis lundi. Ça fait quatre jours et cinq nuits, et avec une femme ? et baissant le ton. « Et une belle fille, une bonne du quartier. Monsieur la connaît peut-être, la bonne de Madame R… » J’étais abasourdi, je comprenais maintenant la face endolorie, les pauvres yeux martyrs de la