Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/46

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En traversant Mounetôt, un petit village aux rues désertes, tous les habitants aux champs ou cueillant le varech aux pieds des falaises, Madame B… a eu la fantaisie d’entrer dans l’église : une pauvre petite église de campagne, sans ornements et sans style, au clocher de pierre grise coiffé d’ardoises jaunies, et presque effondrée de vieillesse dans la terre grasse de son cimetière ; nous n’avons pu nous empêcher de nous récrier, le cousin et moi : Qu’allait-elle faire dans cette ruine ? Mais Madame B… avait son idée, et il a fallu arrêter la voiture : d’un bond elle a été à terre et, d’un autre, enjambant les croix branlantes et les tombes moussues, elle est entrée dans sa grange : cinq minutes après, elle était remontée auprès de nous et, comme je la plaisantais sur cette dévotion pareille à une crise : « Vous n’y entendez rien, me disait-elle, j’avais une prière à faire au bon Dieu de cette église. »

— « De cette église et non d’une autre, » ne pouvais-je m’empêcher de sourire. — « Certainement, m’était-il répliqué, vous ne savez donc pas ? La première fois que l’on entre dans une église, dans une église où l’on n’était jamais entré, on peut demander ce qu’on veut à Dieu, et Dieu vous l’accorde toujours. » — « Vrai-