Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/76

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coupées, dans l’eau sanglante d’un verre en forme de calice ; j’adore enfin le bleu transparent et froid des yeux de ces pitoyables têtes, ces yeux pardonnants et las, où je retrouve ses prunelles à elle, pareilles à deux translucides émaux, et puis il se dégage de leur intérieur un tel parfum de simplicité et de foi. L’homme et la femme sont certes deux cerveaux compliqués, mais leurs âmes sont fraîches ; la situation modeste est chez ces deux êtres si vaillamment acceptée, il règne chez eux une telle netteté, un tel ordre, et avec cela un tel amour du beau et du bien révélé à tous les coins par quelque imprévu bibelot religieux, que j’ai fini par considérer leur petite hospitalière maison de Sèvres comme un havre, un port, une rade sûre et salutaire pour mon chagrin et mon ennui.

Je sors toujours meilleur et comme rasséréné, sinon guéri, de leur petit atelier décoré de poteries vernissées et vertes et de vieux grès fleuris Sont-ce les reproductions des Botticelli pendues aux murs, les Donatello en faïence peinte de l’antichambre, les vieilles chasubles traînant sur les divans ou la lampe d’église et la grande croix d’autel, dont l’argent clair apothéose leur glace ? mais je reviens toujours de Sèvres plus