Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/87

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Il s’était emparé de mes deux mains et les pétrissait à me faire mal, avec des yeux devenus tout pâles, des yeux aux prunelles coulées dans les coins des paupières demi-closes et mettant dans leurs fentes comme une lueur d’acier.

— « Si tu savais comme il faisait beau, cette nuit-là, et la magie du clair de lune sur les grands arbres ensommeillés du parc, les bouquets se tassant en grandes masses d’ombre sur un ciel d’une pureté de nacre avec, au loin, les luisances de la Seine serpentant dans les prés.

« Oh ! la bonne humidité qui montait des berges et sous nos fenêtres, comme la respiration même du parc, cette entêtante odeur de foin fauché ! L’avons-nous regardé longtemps, cette nuit là, tous les deux debout à la croisée ouverte, ce vieux parc de Villennes aux pelouses d’avoines si doucement clair-de-lunées ! Il n’y avait de vent (je m’en souviens comme si j’y étais encore) que dans le sommet bruissant d’un haut peuplier, un peuplier tout blanc, isolé et poussé, tel un cierge, devant le perron du château désert.

« Oh ! la caresse de ses bras nus et frais jetés autour de mon cou, l’éclat laiteux de son sourire souriant au travers de ses larmes et la soie