Page:Lorrain - Le Sang des dieux, 1882.djvu/36

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Elle passait dans l'ombre austère du portail,
Son vieux missel d’ivoire aux lourds fermoirs d’émail
Appuyé sur son cœur, une fraîcheur d’aurore
Pénétrait dans l’église, et la cloche sonore
S’élançait plus joyeuse à travers l’infini.
 
Entr’ouvrant sur son front leurs mains de dur granit,
Les apôtres, rangés au fond du porche sombre,
Lentement du regard la bénissaient dans l’ombre
Et, debout dans l’espace au milieu des dragons
Et des guivres dorés, les anges des balcons
Semblaient d’un vol plus sûr avec de longs bruits d’ailes
Monter dans l’azur libre où sont les hirondelles.
Car Odile, âme pure et blanche entre les lys,
Etait humble, pieuse et naïve ; à longs plis
Drapée et sans joyau sa robe était de laines,
Quoique riche ; et parmi les bourgeoises hautaines,
D’un bruit d’or et de soie emplissant le portail,
Rose et les yeux fixés sur les saints du vitrail,
Elle passait dans l’ombre ainsi qu’une Madone.
D’un geste humble et discret elle faisait l’aumône
Aux pauvres de l’entrée, évitant le regard
Des beaux jeunes seigneurs chamarrés de brocart,
Plus bruyants que des paons et plus vains que des merles,
Avec des lourds colliers de rubis et de perles,
Qu’ils faisaient ruisseler du bout de leurs doigts fins,
En offrant l’eau bénite aux femmes d’échevins.

Elle, Odile, évitant la main des jeunes sires
Campés sur son passage avec de fiers sourires,