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Page:Lorrain - Sensations et Souvenirs, 1895.djvu/19

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LE CRAPAUD

Ç’a été une des plus affreuses impressions de mon enfance et c’en est resté peut-être le plus tenace souvenir ; vingt-cinq ans ont passé sur cette petite mésaventure d’écolier en vacances, et je ne puis encore en évoquer la minute sans sentir mon cœur chavirer sous mes côtes et me remonter jusqu’à la hauteur des lèvres dans une indicible nausée de frayeur et de dégoût.

Je pouvais bien avoir dix ans, et mes deux mois de grandes vacances de collégien élevé loin des miens et de ma petite ville natale, dans un des plus grands lycées de Paris, je les passais dans la propriété d’un de mes oncles, un grand parc tout en profonds ombrages et en eaux dormantes s’allongeant au pied d’une haute hêtrée dévalant au flanc d’un coteau, et cela dans un pays charmant, au nom plus charmant encore, à Valmont ; Valmont, dont je devais retrouver les deux romanesques syllabes